L’Université entre dans le Cadre (européen commun de référence).
Réflexions pratiques à partir de l’enseignement du français langue étrangère.
Sous la direction de Yves Érard, Giuseppe Merrone et Joséphine Stebler
Revue A Contrario
N°15, 2011
ISBN : 978-616-90781-0-4
168 pages
140 x 260 mm
25 CHF / 19 €
Consultation en ligne : Cairn (pdf, html)
Ce numéro spécial de la revue a contrario offre un large éventail d’analyses concernant l’application du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) dans le contexte universitaire ; la réflexion des auteurs s’appuie sur des expériences pratiques d’enseignement menées à l’Université de Lausanne (Cours de vacances, École de français langue étrangère) et à l’EPFL (Centre de langues) ; ils soulignent la contradiction entre des normes abstraites d’évaluation et les processus à l’œuvre dans l’acquisition d’une langue où pointent le danger de détournement du projet de citoyenneté européenne du CECR à des fins discriminatoires en matière de politique d’intégration.
Lu dans la presse
Être ou ne pas être… au bon niveau (extrait)
par Nadine Richon
[…] A l’autre bout du spectre, quand il s’agit d’apprendre le français à de parfaits débutants, Joséphine Stebler, enseignante au Cours de vacances de l’UNIL, se montre nettement moins à l’aise avec «la standardisation inhérente à l’échelle de niveaux du CECR », qui l’oblige au terme d’un cours collectif à situer individuellement chaque participant dans la « communauté imaginée » des A1, A2, B1 et ainsi de suite, avec le risque parfois de priver certains d’un sésame permettant d’accéder à un cursus universitaire, d’obtenir un travail, voire de prolonger leur séjour en Suisse.
Agir avec les autres
Selon elle, la seule évaluation possible revient, pour l’enseignant, à prendre acte de la capacité des participants «à un moment donné, dans une activité donnée, au sein d’une communauté donnée, à faire et à partager des usages avec les autres », ainsi qu’elle l’écrit dans un article publié par la revue interdisciplinaire de sciences sociales a contrario, sous la direction d’Yves Erard (directeur du Cours de vacances), Giuseppe Merrone et Joséphine Stebler. Celle-ci raconte dans cet ouvrage collectif intitulé L’Université entre dans le Cadre (européen de référence) une expérience en relation avec une étudiante rétive à son enseignement qui accorde – avant tout contact avec la langue écrite – une attention particulière à la prononciation, aux situations et aux autres, à «l’expression incarnée». L’enseignante, qui propose aux participants de jouer une scène de la vie quotidienne, comprend finalement que le malentendu avec cette personne repose sur une conception différente du sujet apprenant et de ce qu’apprendre une langue étrangère veut dire. L’élève réclamant des livres se raccroche avant tout à quelque chose de connu, qu’elle pourrait traduire dans sa propre langue ou rapprocher d’une expérience d’apprentissage antérieure. Pour l’enseignante, apprendre une langue étrangère revient au contraire à lâcher prise, à «se transformer dans tout son être» avec ce risque de n’être pas compris, de ne pas dire ce que l’on veut dire, voire de « perdre la face ».
Pour Joséphine Stebler, il n’y a pas de meilleure solution : il faut agir avec les autres et « en faisant, on ose faire ». Selon elle, cette conception entre en contradiction avec « la prétention du Cadre à définir des critères généraux de compétence langagière ». En effet, dit-elle, « les possibilités du langage sont infinies et on ne peut pas les déterminer a priori, indépendamment d’un contexte toujours particulier. Autrement dit, on n’apprend qu’en faisant, et, notre rapport à nos actions étant par nature indéterminé, on ne peut pas prévoir ce qu’on aura à faire dans une situation d’interaction. »
[…]
Article paru dans L’Uniscope, N° 563, mai 2011